L'affaire Sacco et Vanzetti

 

Contexte

 

Les années 20 sont difficiles aux Etats-Unis : il faut reconvertir l’industrie de guerre, lutter contre l’inflation. La montée du syndicalisme entraîne de nombreuses grèves et manifestations qui parfois dégénèrent en émeutes. L’année 1920 est marquée par de nombreux attentats anarchistes (les bureaux de la banque Morgan à Wall Street sont soufflés par un attentat qui fait 38 morts et 200 blessés, des responsables politiques sont touchés…)

Pour réagir à cela, les autorités américaines prennent des mesures répressives contre les anarchistes, mais aussi contre les communistes, qui sont contraints de s’exiler, ou sont emprisonnés. Les « Rouges » et les étrangers passent aux yeux de l’opinion publique pour des suppôts des bolcheviks et pour les leaders des grèves.

  

Sacco et Vanzetti

 

Nicola Sacco et Bartoloméo Vanzetti sont deux italiens immigrés. Comme bien d’autres, ils viennent chercher en Amérique l’espoir d’une vie meilleure. Tout deux sont militants anarchistes.

  

L’affaire

 

Le 24 décembre 1919, à Bridgewater, une banque est braquée. Le 15 avril 1920 à South Braintree, une banque est de nouveau braquée et deux convoyeurs sont tués. Le 5 mai 1920, deux suspects sont arrêtés : Nicola Sacco et Bartoloméo Vanzetti, qui nient être les auteurs de ces crimes. Plus tard, en 1926, un dénomé Madeiros avoua être l’auteur du braquage, mais le juge Thayer refusa de rouvrir le dossier.

Le 16 août 1920, Vanzetti est condamné pour le premier braquage à 15 ans de prison. Malgré le manque de preuves, ils sont tout deux condamnés à la peine capitale pour le second braquage et la mort des deux convoyeurs le 14 juillet 1921.

En 1923, Sacco est placé en hôpital psychatrique. Vanzetti l’y suivra deux ans plus tard. Malgré tout, ils passeront sur la chaise électrique dans la nuit du 22 au 23 août 1927, après une grève de la faim de Sacco.

  

Soutien et conséquences

 

Dans le monde entier, des comités de soutien se créent, pour réclamer la libération des deux hommes. Beaucoup jugent que leur condamnation est une condamnation politique. En effet, leur procès était orchestré par un juge qui n’aimait ni les anarchistes ni les immigrés, et les jurés qui décidèrent de la mise à mort furent triés sur le volet. Quand à l’opinion publique américaine et au contexte de l’époque, il est évident que sa position vis à vis des grévistes et des étrangers à pesé dans la balance.

 

Moins d’un an après l’arrestation de Sacco et Vanzetti, une grande partie des latinos américains s’unissent en comité de soutien.

 

En Europe, on voit ainsi s’unir sous la même bannière des militants politiques d’opinions différentes pour soutenir les deux hommes. Les anarchistes et les communistes se battirent de front pour cette cause (même si cette lutte avait pour but de se créditer auprès de l’opinion publique européenne dans le cas communiste), des hommes politiques socialistes et de droite soutinrent les inculpés, et même le dictateur fasciste italien Mussolini pris leur défense.

La mobilisation internationale retarda plusieurs fois l’échéance finale, sans parvenir à l’annulation du verdict.

Cette affaire eue pour conséquence dans certains milieux la discrétisation du rêve américain, et fit passer les Etats-Unis de statut de « pays de la liberté » au statut d’assassins. 


 

Dernière lettre de Nicola Sacco à son fils

 

" Charlestown, 18 Août 1927,

Mon fils, mon compagnon,

Je veux t'écrire avant que nous partions

A la Maison de la mort car le 22, après minuit,

Vers la chaise électrique on nous poussera…

Pourtant, me voici empli d'amour

Et cœur ouvert, aujourd'hui comme hier.

Si j'ai cessé la grève de la faim, l'autre jour,

C'est parce que la vie s'en allait de moi…

Hier, par cette grève, je parlais fort…

Je proteste encore au nom de la vie, contre la mort.

Trop de larmes inutiles ont coulé,

Comme celles de ta mère,

Pour rien, pendant sept ans; alors ne pleure pas,

Sois fort et tu pourras la réconforter…

Et si tu voulais lui faire oublier

Sa solitude sans colère,

Emmène-là marcher, longtemps,

Dans la campagne…

Et à l'ombre des bois fais-là reposer…

Écoutez la musique du ruisseau qui murmure

Et la paix tranquille de la Nature…

Dans ta course vers le bonheur,

Arrête-toi, mon fils, cherche l'horizon :

Aide les faibles, les victimes et les persécutés,

Car toujours ils seront tes meilleurs amis.

Comme ton père et Bartolo, ils luttent

Et tombent pour tous et pour la liberté…

Au combat de la vie, tu trouveras l'amour

Et tu seras aimé : c'est ton droit aussi…

Faites comprendre au monde

Que rien n'est terminé :

On peut tuer nos corps,

Mais jamais nos idées.

C'est tout le Massachusetts

Qui portera dans l'avenir la honte de ce temps.

Qu'une école remplace enfin cette maison,

Que des rires d'enfants effacent les prisons.

N'oublie pas de m'aimer un peu

Comme je t'aime, oh petit homme ;

J'espère que ta mère t'aidera à comprendre

Ces mots que je te donne… Adieu mon garçon.

Je t'envoie le salut de Bartolo.

Ton père et ton camarade,

Nicola Sacco "