Brennilis, à quand le démantèlement ?

 

C’est au plein cœur des mont d’Arrée, en Bretagne, que fut construite, en 1962, la première centrale nucléaire française, au milieu de paysages magnifiques de landes et de tourbières. Aujourd’hui, plus de vingt ans après son arrêt, son démantèlement n’est toujours pas achevé.

 

 

   

 

Implantation

 

Lorsque, dans les années soixante, le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) décide d’implanter sur le site de Brennilis le premier réacteur nucléaire français, rien n’est fait pour informer les riverains, qui voient dans la future centrale une simple usine, comme n’importe quelle autre usine de France. Pourquoi alors une mobilisation ? Cependant, on n’entreprend pas de bâtir une usine, mais bien une centrale nucléaire.

Cette petite centrale, de 70 MW, devait servir de prototype à l’indépendance nucléaire française mais aussi, grâce à la production de plutonium, à alimenter la force de frappe (l’île longue, base militaire, est très proche, à vol d’oiseau, de Brennilis).

Mais cette centrale ne devait pas durer : après vingt ans d’activité, elle s’arrêtait.

 

 

Les attentats

 

En 1975, deux explosions endommagent le site : des vitres sont brisées, un poste téléphonique détruit, et une turbine à eau endommagée. Cet attentat est revendiqué par le FLB (Front de Libération de la Bretagne) et par l’ARB (l’Armée Révolutionnaire Bretonne). Lorsque, en 1979, deux pylônes électriques, à l’entrée de la centrale, sont détruits, toujours par le FLB et l’ARB, l’électricité ne peut plus être acheminée. Le fonctionnement de la centrale est perturbé.

 

 

Démantèlement

 

Le niveau 1

 

La première partie du démantèlement à bien été effectué, dès 1985, sans déclaration préalable. Ils s’agissait de :

-         Démonter toute la partie « non nucléaire »

-         Expédier les cent tonnes de combustibles à Cadarache où ils seront stockés en silo béton en attendant la solution du traitement ou du stockage

-         Démonter les modérateurs d’eau lourde (cent tonnes) afin de les expédier à Grenoble pour les épurer, les réexpédier à Brenilis avant de les envoyer à Cadarache où ils furent stockés à leur tour.

 

Le niveau 2

 

Le niveau deux prévoyait le démontage de tout ce qui se trouvait en extérieur, ainsi que de quelques circuits restés à l’intérieur. Il était ensuite prévu de laisser la centrale « reposer » pendant 50 ans ! C’est ce qui fit réagir les élus locaux

Durant cette période, le chantier fut également exploité de manière touristique, en casque et combinaison obligatoire ! On y montrait la rigueur du travail, la traçabilité des déchets, l’exemplarité du chantier… Un excellent coup de pub pour l’industrie nucléaire. Un chantier modèle.

 

Aujourd’hui

 

La centrale de Brennilis produisit de l’électricité entre 1967 et 1985. Aujourd’hui, le démantèlement n’est toujours pas terminée.

La CRIIRAD a réalisé en mars 2006 des prélèvements de mousses aquatiques à proximité de la centrale, derrière la STE (Station de Traitements des Effluents). Selon les analyses de la CRIIRAD, on trouve plusieurs éléments radioactifs provenant incontestablement de la centrale : Cesium-137 et Cobalt-60. D'autre part, on trouve aussi une concentration anormalement élevée d'Actinium-227 (très radio toxique) dont l'origine n'est pas déterminée.

 

L’argument invoqué par EDF sur la lenteur du procédé (le démantèlement est prévu sur 50 ans) est la division par 1000 en 50 ans de la radioactivité de ce cobalt 60. La véritable raison est en réalité économique : EDF ne peut assumer économiquement le démantèlement immédiat de la centrale, et espère de nouvelles technologies lui permettant la réduction des coûts astronomiques de démantèlement.

 

Le démantèlement d’une centrale est dangereux : d’une part pour les travailleurs, exposés à la radioactivité, d’autre part par le transport de déchets radioactifs sur de longues distance. Pour pallier au problème de la radioactivité absorbée par les travailleurs, l’industrie nucléaire à recours au principe de l’homme rem, un travailleur recruté le temps de recevoir la dose limite d’irradiation. Ce principe est critiqué par les associations syndicales qui réclament un suivi médical par le ministère de la santé. Durant le démantèlement, on a remarqué de nombreux incidents parfois très sérieux.

 

 

Sur le site de Brenilis, de nombreuses anomalies ont été remarquées, comme en témoigne cet article de Ouest-France :

 

 


 

Ouest-France - jeudi 12 juillet 2007 - Yannick Guérin

Brennilis : EDF se fait taper sur les doigts

Fûts de déchets radioactifs corrodés, radioactivité fortement sous-évaluée, erreurs de comptage, accuse un rapport du « gendarme » du nucléaire.

BREST. - Début juin, les militants du « Réseau sortir du nucléaire » ont obtenu de la justice l’arrêt du démantèlement de la centrale de Brennilis (Finistère). Voilà qu’ils viennent de dénicher un document plutôt embarrassant pour EDF. Il s’agit de la synthèse des constatations effectuées par des inspecteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), à Brennilis, le 31 mai dernier. Rapport daté du 20 juin et mis en ligne, mardi, sur le site de l’ASN.

Qu’ont vu les inspecteurs ? Des fûts, contenant des déchets radioactifs produits en 2004 et 2005, « présentent des signes de corrosion externe assez prononcée ». La comptabilité du nombre de colis, des tonnages de déchets entreposés ou évacués, semblait très approximative. L’ASN est même très sévère sur ce point. Elle note une « incohérence totale » des données chiffrées.

Plus inquiétant encore. Concernant l’activité radiologique de certains déchets tritiés (qui contiennent du tritium, considéré comme hautement toxique), l’ASN constate « une forte sous-évaluation, d’un facteur de 30 à 200 ».

Des documents accompagnant une expédition de déchets nucléaires « ne correspondaient pas au colis envoyé ». Cette « non-conformité » et cet « écart » - « deux fautes », dénoncent les antinucléaires - n’ont pas été déclarés à l’ASN... EDF, de son côté, estime que la recommandation de l’Autorité « ne concerne pas des écarts méritant une correction immédiate ».

« Barré par du ruban adhésif ». Pourtant, l’ASN a aussi noté que des déchets nucléaires présentant des risques chimiques et d’incendie ont été mis dans une zone « trop proche » de déchets tritiés. Cette zone ne pouvait, en cas d’incendie, être arrosée par un brumisateur automatique. Et un autre brumisateur était hors service. Un local destiné à l’entreposage des déchets radioactifs amiantés était bien fermé à clé. Mais il est « directement accessible par le local adjacent dont les parois ont été déposées et dont seule l’issue externe est barrée par trois bandes de ruban adhésif ».

EDF a deux mois pour répondre à l’ASN, en prenant des engagements et en fixant un calendrier. « Sortir du nucléaire » estime que l’entreprise « tente d’abuser l’opinion en lui laissant croire que le démantèlement d’un réacteur nucléaire ne pose pas de problèmes ». EDF assure que « des actions de progrès vont bien sûr être rapidement mises en oeuvre, sous le contrôle vigilant de l’ASN ». Nous voilà rassurés...

  

  Conclusion

 

Aujourd’hui on peut encore voir, à Brennilis, les ruines de la centrale, cette centrale qui ne veut pas s’éteindre. Quand EDF et AREVA voudront-ils bien tirer un trait sur le passé désastreux de cette centrale ? Aujourd’hui, la CLI à refusé de rendre ses débats publics. Demain renonceront-ils à oublier la centrale et à rendre au site sa beauté originelle ?

A quand le démantèlement ?