Plaquette : la résistance populaire non-violente en palestine en 2010
29/06/2010 11:07 LA RÉSISTANCE se coordonnent (ils étaient 3 en 2008, 11 en 2009 à le faire) (Nous en avons identifié 15 : 8 au nord de Jérusalem : Ni'lin, Nabi Saleh, Bil'in, Irak Burin, Burin, Tulkarem, Vallée du Jourdain, Qualquilya ; Jérusalem ; 6 au sud : Al Ma'sara, Beit Ummar, Beit Jala, al Waladja, Beit Sahour, South Hébron Hills (Twanee)) et Moustapha Barghouti, dirigeant d'un parti politique palestinien, a parlé lors de la dernière conférence internationale de Bil'in, d'actions de résistance hebdomadaires dans 45 endroits différents. 1000 à 2000 personnes participent chaque semaine à ces actions (chiffres de 2009).
AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010 Systématiquement couvertes par des media, ces initiatives sont retransmises par la télévision et les journaux en Palestine et dans le monde arabe. Les vidéos réalisées par les militants sont accessibles sur internet dans le monde entier (sur https://www.youtube.com par exemple). Ce mode d'action est articulé avec le recours à la voie juridique : ce sont les plaintes déposées devant la Cour suprême israélienne par les comités de Tulkarem, de Budrus, de Bil'in... qui ont entraîné des jugements ordonnant des modifications de tracé du mur, dont la mise en oeuvre, refusée par l'armée (comme à Bil'in), nécessite souvent de nouvellesmobilisations. Il a commencé d'être également lié à des actions de boycott des produits israéliens (action de destruction de ces produits un vendredi de 2008 à Al Ma'sara, campagne de boycott des produits des colonies lancée par Salam Fayyad en 2010..) Comment la résistance populaire est-elle organisée, structurée? Dans chaque pôle de résistance on trouve un comité populaire local plus ou moins structuré selon les lieux, le passé militant et les conceptions de ses initiateurs, lesquels ont souvent joué un rôle moteur dans la première intifada (1987-93). Dans la plupart des cas ils ont auparavant impulsé des actions sociales et de développement au sein des structures associatives du village. L'appartenance politique de ceux qui le constituent est laissée de côté. Formule d'un leader de comité : « Notre politique c'est d'être avec les gens ». Ce qui compte c'est l'engagement dans l'action, la volonté de mobiliser les habitants dans la lutte contre l'occupation, pour la conquête de la liberté et de la dignité pour les Palestiniens et pour l'existence de la Palestine. Le comité se réunit une fois par semaine pour préparer l'initiative suivante. Le champ d'attraction et d'action d'un comité populaire s'étend fréquemment à l'aire des villages avoisinants, des habitants de ceux-ci étant membres du comité. Ainsi à Beit Ummar, Al Ma'sara, Ni'lin (centres de zones composées chacune d'une dizaine de villages). Dans la région de Béthlehem, particulièrement agressée par la politique du gouvernement Netanyahou en ce début d'année 2010, une coordination locale regroupant cinq comités (Al Ma'sara, Beit Sahour, Beit Jala, Al Waladja et Bethlehem) s'est constituée. Embryonnaire depuis l'été 2008, le comité de coordination, institué au printemps 2009 lors de la 4ème conférence de Bil'in, regroupe aujourd'hui 19 comités locaux. Il a commencé par proposer des mots d'ordre unifiant les initiatives en 2008 : « Eté contre l'apartheid », « Libre récolte des olives ». Tel comité a pu avancer une partie de l'argent nécessaire pour la libération des leaders d'un autre comité arrêtés en mai 2009. Lors de réunions, les variantes de la stratégie israélienne sont analysées, les acquis des comités locaux mutualisés. Le site internet (https://www.popularstruggle.org/) permet un regroupement des informations en provenance de différents comités (initiatives, actions de répression subies...). Ce comité de coordination est devenu l'interlocuteur de l'Autorité palestinienne et du gouvernement. Il s'est doté d'un compte bancaire qui rend possible, à l'échelle de la Cisjordanie, la gestion des fonds reçus. Son secrétaire, membre des anarchistes israéliens contre le mur, facilite la diffusion des informations en anglais au moyen d'une newsletter régulière. Pourquoi cette forme de résistance? Pour faire obstacle à la politique israélienne Les media parlent sans cesse de processus de paix. Ce qui existe c'est un processus de colonisation dans les territoires palestiniens occupés. Stratégie à long terme pensée depuis les années 70, réaffirmée par Ariel Sharon en 2002, elle repose sur l'affirmation que la guerre pour l'établissement d'Israël n'est pas finie, qu'il n'y a pas place pour deux États entre le Jourdain et la Méditerranée, et que, puisque la déportation des Palestiniens n'est plus envisageable à notre époque, il s'agit de les laisser subsister dans des enclaves aussi réduites en superficie que possible, en se désintéressant de leur sort (C'est dans cette perspective que le retrait de la bande de Gaza doit être compris), et en colonisant le plus de terre possible. AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010 Une remarquable étude réalisée par l'OCHA (office de coordination pour les questions humanitaires de l'ONU) concernant le gouvernorat de Bethlehem, consultable en anglais sur internet montre ainsi que, en additionnant les surfaces confisquées ou convoitées pour les colonies, leur développement et leurs liaisons, celles instituées zone militaire et réserves naturelles, la politique israélienne ne laissera aux Palestiniens pour leur développement que 13 % de ce territoire. Les Palestiniens se trouveront parqués dans des zones urbanisées sans possibilité de développement économique, agricole ou autre. Les responsables du comité de Al Ma'sara ont parfaitement perçu la mise en oeuvre de ce processus pour leur zone, à l'ouest de ce gouvernorat : outre le tracé du mur qui, à l'ouest, sur les 2100 hectares appartenant à ces villages en confisque 350, un axe au nord de cette zone est prévu pour relier une extension d'une colonie du Gush Etzion à celles situées à l'Est (Avigdor Liebermann réside dans l'une d'elles) avec annexion de centaines d'autres hectares à terme et coupure entre cette mini région et Bethlehem. D'autres colonies sont prévues au sud. Ainsi sera constitué un bantoustan où les habitants (10 000 aujourd'hui) ne pourront plus que survivre en dépendant de l'aide internationale qui deviendra nécessaire. La résistance y est pensée comme lutte contre ces enfermement et étouffement mortifères progressifs.
AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010 Le responsable interviewé du comité de Ni'lin, à l'ouest de Ramallah, nous a alerté sur le processus identique en cours dans la zone dont son village est le centre et le pôle de résistance. Les études et cartes de l'OCHA permettent de comprendre qu'il s'agit d'une politique pour toute la Cisjordanie où, au mieux, des bantoustans essentiellement constitués des zones A et B résultant des accords d'Oslo seront reliés entre eux par des ponts ou des tunnels contrôlés par Israël qui aura annexé l'essentiel des zones C. Si la résistance populaire, sous-estimée par les stratèges israéliens, se développe, elle peut mettre en échec cette politique pense Michel Warschawski, anticolonialiste israélien lucide. Parce qu'elle est la seule voie possible pour les Palestiniens dans la conjoncture actuelle La défaite du Fatah aux élections législatives de 2006 exprimait notamment la conscience chez les Palestiniens de l'échec de la voie des négociations suivie par ce parti. Ils rappellent combien la colonisation s'est développée depuis les accords d'Oslo, combien leurs conditions de vie n'ont fait que se détériorer durant toute cette période, combien se sont éloignées les perspectives de la création d'un État palestinien et de la paix. Tout en rappelant la légitimité du recours à la résistance armée contre l'occupation, les militants palestiniens insistent sur le nécessaire bilan qu'il faut en faire après la deuxième intifada, après la guerre contre Gaza, dans le contexte international ouvert par le 11 septembre 2001. Le prix en morts, destructions, image est accablant. Jusqu'au Hamas qui aujourd'hui fait la chasse aux lanceurs de roquettes dans la bande de Gaza. La situation locale (le déséquilibre des forces) et internationale (lutte contre le terrorisme) disqualifient le recours à la résistance armée en Palestine. C'est sur le constat de ce double d'échec que le développement actuel de la résistance populaire non-violente doit être envisagé, ceci avec ses racines dans la culture et l'histoire des Palestiniens, qu'il s'agisse de la première intifada ou des luttes contre le sionisme et le mandataire anglais dans les années 1930. Résistance populaire et Autorité palestinienne Depuis l'été 2009 la résistance populaire est devenue un axe du projet politique du premier ministre, articulé avec le financement de projets de développement pour aider les Palestiniens à résister en restant sur leurs terres d'une part, le lancement du boycott des produits des colonies et des emplois qu'elles offrent encore d'autre part. Pour le gouvernement, la résistance non-violente, qui fait partie de la culture palestinienne permet à un maximum de Palestiniens de participer à la lutte pour la libération de la Palestine. L'Autorité favorise la coordination des nombreux comités autonomes qui se créent. Elle les soutient financièrement, notamment pour le paiement des cautions exigées pour la libération des personnes arrêtées. Cette aide, ce soutien sont proclamés publiquement. Des membres du gouvernement participent aux manifestations, à la plantation d'arbres... Le poids, l'avenir de la résistance populaire s'en trouvent profondément modifiés. Le Fatah a adopté à son dernier congrès (à l'automne 2009) la lutte non-violente contre l'occupation comme ligne stratégique. Le Hamas reconnaît aujourd'hui que cette forme de résistance s'impose dans la conjoncture. Des militants des divers mouvements politiques palestiniens oeuvrent ensemble dans les comités populaires, lesquels sont soutenus par les municipalités, quelle que soit leur couleur politique. Quels sont les effets de la résistance populaire non-violente? Sur le terrain : ● aux actions d'obstruction au travail des bulldozers conduites avec détermination, d'abord tous les jours, puis hebdomadairement. ● AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010 restitution, non sans difficultés, de dizaines et même de centaines d'hectares à Budrus, à Bil'in, à Nil'in, à Tulkarem. ● En termes politiques : ● peuple, par delà les blocages politiques caractérisant la situation au Proche Orient depuis des années. ● clivages politiques ; au niveau des partis, comme on a pu le vivre à la conférence de Bil'in, où tous, Hamas compris, ont exprimé leur soutien à la résistance populaire. ● dont le nombre lors des manifestations et autres actions croît. ● montrent des Palestiniens non-violents, ce qui vient combattre le cliché répandu en Occident et en Israël identifiant Palestiniens à terroristes. Comment Israël réagit-il? Pourquoi? La répression, constante, a cru en intensité avec l'élargissement du mouvement. L'armée entrave la tenue des manifestations. Elle interdit l'accès aux terres confisquées au moyen de barbelés, elle installe des check points pour empêcher l'arrivée des israéliens et étrangers. Dernière mesure prise (mars 2010) : déclarer les lieux de manifestation zones militaires fermées et donc interdites. Toutes mesures tournées à ce jour. Les arrestations se sont multipliées. A Nabi Saleh petite bourgade de 500 habitants, 18 personnes étaient en prison à la mi-avril 2010. A Ni'lin depuis 2008, 120 personnes ont été arrêtées, 37 dont 25 jeunes étant emprisonnées à la mi-avril. Ces arrestations sont effectuées lors des manifestations ou lors de raids nocturnes au cours desquels des maisons sont saccagées, raids visant à terroriser la population et à la détourner de rejoindre le mouvement. A Ni'lin il y en a eu tous les jours pendant deux semaines en janvier dernier. Les arrestations peuvent viser, comme à Al Ma'sara en mai 2009 ou à Bil'in à l'automne 2009, à décapiter le mouvement en arrêtant les leaders, ou, comme à Nabi Saleh en arrêtant des femmes à détourner celles-ci de participer à la résistance (janvier 2010). Elles sont l'occasion d'une politique de racket, les cautions exigées pour être libéré en attendant la tenue du procès pouvant atteindre un montant exorbitant (de 1500 à 25 000 NIS soit de 300 à 5000 €. Un professeur palestinien gagne 300 € par mois). Pour faire libérer 156 des personnes arrêtées, 500 000 NIS (100 000 €) ont été nécessaires ces derniers mois. Le recours à des armes prohibées et souvent létales (gaz neurotoxiques, grenades lacrymogènes à haute vélocité à tir tendu, balles recouvertes de caoutchouc à bout portant, balles réelles) est constant. Depuis le début du mouvement il y a eu 18 morts, dont 5 à Ni'lin, des milliers de blessés, dont certains lourdement handicapés à vie (rendus aveugles, paralysés, voire réduits à un état végétatif comme Tristan Anderson, citoyen américain blessé à Ni'lin en 2009) Palestinien de Jaffa blessé à Bil'in le 23 avril 2010 A cela plusieurs raisons : ● recours aux armes, dénommée dans la presse occidentale intifada blanche. ● les écraser en redonnant de surcroît à Israël le statut de victime, et en s'efforçant de réactiver l'identification entre Palestiniens et terrorisme. AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010 Que devons nous, que pouvons nous faire? ● l'admiration lutte contre une politique cynique de colonisation qui bafoue le droit international et les droits des Palestiniens en tant que peuple et en tant qu'hommes. ● l'autodétermination, à un État, sont des militants des droits de l'homme luttant pour le droit à la liberté d'opinion et d'expression, pour le droit au libre déplacement, pour le droit d'association et de rassemblement, pour le droit à l'égalité devant la loi... ● recours à la violence armée face à des civils désarmés, au mépris du droit à la vie. Dénoncer son recours aux pratiques de l'arrestation et de la détention arbitraires, à celles des traitements dégradants, dont la torture, prohibées par les conventions internationales. ● des droits de l'homme et des peuples ○ ○ ○ ● ○ ○ présence d'internationaux étant un moyen important pour faire baisser le niveau de la répression. ○ ○ ayant eu des morts. ○ deux dunums (1 dunum = 0,1 hectare) de terre menacée, ce qui donnerait à leur défense une dimension internationale. ... Erik LALOY (Groupe de Travail AFPS de Soutien à la Résistance Populaire) Association France Palestine Solidarité 21 ter rue Voltaire 75011 PARIS 01 43 72 15 79 https://www.france-palestine.org/ 3 Comité de Bil'in https://www.bilin-village.org/francais/ Comité de Ni'lin https://www.nilin-palestine.org/en Comité de Beit Ummar https://palestinesolidarityproject.org/ Comité de Al Ma'sara https://www.alshmoh-center.org/ Comité de laVallée du Jourdain https://www.jordanvalleysolidarity.org/ AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010 Association France Palestine Solidarité 21 ter rue Voltaire 75011 PARIS 01 43 72 15 79 https://www.france-palestine.org/ AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010
Association France Palestine Solidarité 21 ter rue Voltaire 75011 PARIS 01 43 72 15 79 https://www.france-palestine.org/
POPULAIRE NON-VIOLENTE
EN PALESTINE EN 2010
Un mouvement en développement
Alors que les media parlent essentiellement de violence lorsqu'il s'agit du conflit israélo-palestinien, on ne connaît guère le mouvement de résistance populaire non-violent en Palestine, pourtant en plein essor.
Apparu en 2003 à Mash'a puis à Budrus, localités située au nord-ouest et à l'ouest de Ramallah, il a été popularisé à partir de 2005 grâce au dynamisme créatif et à l'ampleur de vue (cf. l'organisation chaque année d'une conférence internationale) du comité populaire de Bil'in, où le tracé initial du mur conduisait à 60 % l'annexion des terres commencée bien antérieurement.
En 2010, 19 comités de résistance populaire
Les manifestations à Jérusalem contre la colonisation du quartier de Cheikh Jarrah ont réuni jusqu'à 3000 personnes. Plus de 5000 personnes ont participé à une manifestation dans la ville de Beit Ummar (entre Hébron et Béthléem) en mars 2010.
En quoi consiste cette résistance?
Les manifestations pacifiques constituent son mode d'action central. Elles ont lieu chaque semaine, le vendredi (à Bil'in, Ni'lin, Al Ma'sara, Jérusalem...), le samedi (à Beit Ummar...) ou le dimanche (à Beit Jala par exemple).
Elles réunissent des Palestiniens (du village et venus d'autres villages), des Israéliens et des internationaux en proportion variable selon les lieux, cette tripartition étant une caractéristique essentielle du mouvement.
Elles ont pour but en se rendant sur des terres menacées ou confisquées par le mur, l'extension des colonies, les exactions des colons, les routes de contournement, d'affirmer les droits des Palestiniens et l'illégalité de la colonisation et de l'occupation.
AFPS Colloque au Palais du Luxembourg 25 juin 2010
Elles visent fréquemment à empêcher les destructions opérées par les bulldozers (arrachage d'oliviers centenaires, démolition de maisons...). Les participants sont formés à prendre ces initiatives selon les principes de la non-violence active, à ne pas réagir violemment aux violences exercées par l'armée ou les colons. Face à la violence de l'armée, il arrive que des pierres soient jetées, le propre de cette résistance étant de ne pas avoir recours à des armes. La résistance populaire palestinienne est une résistance non-armée. En certains lieux, la référence à la non-violence de Gandhi, de Martin Luther King est très affirmée et mise en oeuvre.
Elles sont souvent l'occasion d'initiatives médiatiques préparées par le comité local. Exemples : érection d'une immense pancarte annonçant la construction d'un hôtel « Falistin » sur leurs terres confisquées à Bil'in en septembre 2006 ; Palestinien attaché sur une croix portée par d'autres le vendredi précédant Pâques à Al Ma'sara en 2008 ; produits israéliens brûlés en 2009 à Al Ma'sara avec proclamation que le village était libéré de ceux-ci ; sit'in bloquant la circulation sur l'axe reliant les colonies de la région d'Hébron à Jérusalem à Beit Ummar en 2010 ; brèches ouvertes dans le mur à Ni'lin et à Qualandia en novembre 2009 pour le 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin.
Les plantations d'arbres, la cueillette d'olives dans des zones menacées, la protection des travaux agricoles près des colonies constituent d'autres modalités de ces actions de résistance non-violente. Dans la vallée du Jourdain, pour contrer la politique menée par l'armée de faire partir ce qui reste de la population, passée de 250 000 en 1967 à 55 000 aujourd'hui, c'est par la construction d'écoles, de centres médicaux, la reconstruction de maisons détruites que la résistance se manifeste principalement.
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